«Le cerf-volant» de Randa Chahal Sabbag (Liban) :
Randa Chahal
La poésie de l’absurde
Powered by Network Tunisie
Projeté hier soir à l’ouverture de Carthage 2004, ce long métrage franco-libanais d’une durée de 1 heure 20 minutes a reçu le Prix du « Cinéma pour la Paix », le Grand Prix du jury (Lion d’Argent) et la Lanterna Magica au Festival de Venise 2003.

Chahal Sabbag, une fidèle des JCC où son premier film, «Liban d’autrefois», un court-métrage de fiction, a reçu le Prix du jury en 1979.
Le film raconte l’histoire de Lamia, une jeune libanaise de 16 ans, qui vit dans un village coupé en deux depuis des années par un no man’s land, une frontière large de quelques centaines de mètres, gardée par des miradors et entourée de barbelés, à portée des tirs de l’armée israélienne.
Séparées, les familles prennent des nouvelles les unes des autres par mégaphone, dans une étrange cacophonie qui inonde les collines avoisinantes. Ce partage d’un quotidien banal par hauts parleurs interposés, que les Israéliens imposent à leurs voisins libanais, témoigne de manière sous-jacente de la violence de la

guerre au Proche-Orient et des irrémédiables séparations qu’elle induit.
Nous sommes donc dans un village de montagne du Sud-Liban, où les femmes papotent dans leurs cuisines, les jeunes filles rêvent d’amour et d’eau fraîche, et où les enfants jouent au cerf-volant. En face, Israël, une petite parcelle d’Occident incrustée dans un Orient éternel. Dans ce pays riche, puissant et hyper-moderne vit le cousin à qui on a promis de donner Lamia en mariage, dès qu’elle aura atteint la puberté. La jeune fille rêve et ses pensées la transportent dans cet espace à la fois inaccessible et dangereux.
Lamia, dont le rôle est bien campé par Flavia Bichara, est touchante de simplicité. Elle passe de l’enfance à l’âge adulte, en cherchant à se frayer un chemin dans un monde doux et cruel à la fois. Symbole vivant d’un peuple qui subit les affres de l’occupation militaire entre une révolte à peine contenue et une acceptation contrainte, elle grandit tant bien que mal en faisant des choix, souvent douloureux, mais toujours assumés.
«Le cerf-volant» aurait pu être un film de plus sur l’horreur de la guerre et la difficulté de vivre au Moyen-Orient. Au final, c’est un film qui raconte l’histoire d’une belle jeune fille qui passe à l’âge adulte au cœur d’Israël et de la guerre des territoires. Certains critiques ont reproché à la réalisatrice son enthousiasme primaire et sa vision parfois à l’eau de rose, mais la plupart ont aimé son film où elle est parvenue à exprimer l’absurdité, non dénuée de poésie, d’une réalité somme toute douloureuse. Et ce n’est pas là son moindre mérite.

La réalisatrice
Randa Chahal Sabbag est née à Tripoli au Liban en 1955. Débarquée en France en 1973, elle fait des études à l’Université de Paris VII, puis à l’Ecole Nationale Louis Lumière en 1975. Son œuvre, très marquée par le thème de la guerre qui a touché son pays natal pendant vingt ans, comprend plusieurs documentaires, comme «Pas à pas» en 1979 (Prix de la presse au Festival de Namur), «Liban survie», produit par le ministère de l’Information libanais en 1981, «Cheïkh Imam» en 1984 et «Nos guerres imprudentes» (Prix de la Biennale de l’Institut du Monde Arabe, à Paris). En 1991, la cinéaste libanaise réalise son premier long métrage de fiction, «Ecrans de sable» (sélection officielle du Festival de Venise et Prix de la mise en scène au Festival de Valence). En 1997, elle réalise pour la chaîne Arte «Les Infidèles», sélectionné en compétition officielle au Festival de Locarno. Son troisième long métrage de fiction, «Civilisées» sera projeté au Festival de Venise en 1999.


Y. Z.

Retour
Histoire du Tanit