22èmes JOURNEES CINEMATOGRAPHIQUES DE CARTHAGE : La Tunisie immortalise Ousmane Sembène

La 22ème édition des Journées cinématographiques de Carthage s’est ouverte samedi soir au Théâtre municipal de Tunis. Lors d’une cérémonie haute en couleurs, présidée par le ministre tunisien de la Culture et de la sauvegarde du Patrimoine, un hommage a été rendu à trois figures emblématiques du cinéma africain : le réalisateur et écrivain sénégalais Ousmane Sembène, le producteur tunisien Ahmed Bahaeddine Attia (tous deux disparus en 2007) et le cinéaste égyptien Youssef Chahine qui nous a quittés en 2008.

TUNIS - Pour fêter 42 ans d’existence, les Journées cinématographiques de Carthage (JCC) ont décidé d’innover. La cérémonie d’ouverture qui avait lieu habituellement au Cinéma Le Colisée, a été déplacée cette année vers le Théâtre municipal de Tunis dont l’imposante salle à trois niveaux a rendu plus solennel l’évènement. Samedi soir, la grande avenue Habib Bourguiba où se trouve la bâtisse a été envahie par des milliers de Tunisois venus voir de plus près les stars du cinéma arabo-africain qui, l’espace d’une semaine, feront de leur capitale, le carrefour du septième art. Et des stars il y en avait ce week-end à Tunis : le chanteur sénégalais Ismaël Lô, la comédienne française Emmanuelle Béart, l’écrivain algérien Mohamed Moulessehoul, qui signe ses livres sous le pseudonyme de Yasmina Khadra (tous trois membres du jury officiel des longs-métrages), l’actrice gabonaise Kiara Bongo, le réalisateur tunisien Nouri Bouzid (Tanit d’or en 2006 avec « Making of ») et tant d’autres. Toutes ces célébrités ont monté les marches recouvertes d’un tapis rouge du Théâtre municipal de Tunis, sous les applaudissements du public massé aux abords de l’avenue et le crépitement des appareils des photos et l’œil des caméras.

La cérémonie, retransmise en direct à la Télévision publique tunisienne, a commencé en musique avec Ismaël Lô. Guitare en bandoulière et harmonica accroché au cou, il a interprété un sublime « Tadiabone » dont le public tunisois connaît les paroles par cœur. Les spectateurs ont ainsi repris les refrains avec enthousiasme et ont bien applaudi Iso Lô, un habitué des salles de spectacles tunisiennes car, ses premiers concerts dans ce pays remontent au début des années 1990. En 1994, lui et son groupe avaient même joué à la cérémonie d’ouverture des JCC. Une quinzaine d’années plus tard, il y revient comme membre d’un jury composé également de la cinéaste nigérienne Rahmatou Keïta, du comédien égyptien Ezzat El Alayli (qui a joué dans plus de 70 films), de la co-directrice du Festival international du film de Rotterdam (Pays-Bas), Sandra Den Hammer, et de Nouri Bouzid.

Le samedi 1er novembre prochain, dans cette même salle du Théâtre municipal, les sept membres de ce jury dirigé par l’écrivain Yasmina Khadra, auront la lourde charge de décerner le Tanit d’or à l’un des 18 longs-métrages de fiction en compétition officielle. Parmi ces films, citons « Faro, la reine des eaux » du Malien Salif Traoré, « Cap-Vert, mon amour » de la Capverdienne Ana Ramos Lisboa, « Teza » de l’Ethiopien Haïle Gerima (actuellement l’un des doyens du cinéma africain et qui fait figure de « revenant » car n’ayant pas réalisé de film depuis 1999), « Zimbabwe » du Sud-africain Darrel Roodt, « Khamsa » du cinéaste tunisien Karim Dridi, « L’autre moitié du ciel » de sa compatriote Kalthoum Bornaz, « Le sel de la mer » de la Palestinienne Annemarie Jacir, « Whatever Lola wants » du réalisateur marocain Nabil Ayouch, « L’aquarium » de l’Egyptien Yousri Nasrallah...

Lors de la cérémonie d’ouverture des 22èmes JCC, trois Tanit d’honneur ont été remis à titre posthume à Ousmane Sembène, Ahmed B. Attia et Youssef Chanine. C’est Ousmane William Mbaye qui a reçu le prix décerné à Sembène, doyen des cinéastes africains. A Tunis, Willy (comme l’appellent ses intimes) est le seul réalisateur sénégalais en compétition officielle (dans la section documentaire) avec son film de 55 minutes intitulé « Mère-bi ». C’est un portrait intimiste sur sa mère Annette Mbaye d’Erneville, première femme journaliste au Sénégal et initiatrice des Rencontres cinématographiques de Dakar. Une autre figure emblématique du cinéma sénégalais est également honorée cette année à Carthage, il s’agit de Samba Félix Ndiaye considéré comme le doyen des documentaristes africains et qui est l’auteur de films poignants comme « Rwanda pour mémoire », « Lettre à Senghor », « Ngor, l’esprit des lieux » ou le récent « Questions à la terre natale ». Il a été choisi comme président du jury international du documentaire vidéo.

De notre envoyé spécial MODOU MAMOUNE FAYE