Hommage à Omar Amirlay
AU-DELÀ DES MIROIRS ÉQUIVOQUES DU RÉEL
Omar Amiralay nous a quittés prématurément en nous léguant dix neuf films documentaires, et autant de témoignages sur sa foi en la vie en tant qu'inépuisable vivier d'histoires pour donner à penser le présent. Quarante-quatre ans séparent son premier film Film-essai sur le barrage de l'Euphrate (1970) du dernier qu'on lui connaît Déluge au pays du Baath (2004). Son attrait pour la vie Amiralay le doit aux longues heures passées alors qu'il était enfant à la fenêtre de la maison familiale donnant sur une rue passante et animée, lieu d'échanges, de rencontres de destins se nouant et se dénouant.
Se choisir sans jamais faillir le documentaire comme patrie dans un pays vivant sous le joug de la dictature relève de l'acte de résistance. Il aura valu à Amiralay de vivre ostracisé avant de se retrouver contraint à l'exil par un régime allergique à toute voix dissidente.
1948,1956, 1967,1973 avec l'annexion du Golan, la liquidation du « rêve palestinien », c'est dans le contexte de ce siècle jalonné de défaites pour le monde arabe que Omar Amiralay aura conçu ses films. Amer, lucide, désenchanté, Amiralay n'aura jamais pour autant baissé les bras devant l'adversité de l'Histoire et l'impéritie des régimes qui la font. Le cinéma d'Amiralay refuse toute immédiateté de sens, toute frontalité. Il est travaillé par le doute et la conscience aigue de la complexité du monde et des êtres qui l'habitent. La vérité ne loge pas dans l'évidence de l'image. Celle-ci doit être questionnée, retournée dans tous les sens, dialoguer avec d'autres images pour que finalement elle accouche d'une part de vérité toute relative, le documentaire étant par excellence affaire de point de vue donc de subjectivité dans la « re-présentation » du réel.
L'examen de la filmographie d'Amiralay met en évidence son éclectisme et la diversité des questions qui l'ont traversé en tant qu'homme et cinéaste. La radioscopie de la société syrienne en tant que thème et le portrait en tant que genre documentaire constituent les lignes fortes de son oeuvre.
La vie quotidienne dans un village syrien co-réalisé en 1974 avec Osama Mohamed et Les poules sondent à la fois l'état d'une société et les errements de la machine bureaucratique syrienne. La satire politique et sociale souterraine dans ce film culmine dans Déluge au pays du Baath dernier opus d'Amiralay au cours duquel le caractère grotesque et théâtral de l'adhésion au parti Baath est incarné par le chef de tribu du village d'El Machi et son neveu directeur d'écoles, caricatures de notabilités locales garantes de l'ordre établi.
Dans Il y a encore tant de choses à raconter (1997) portrait saisissant de lucidité du grand dramaturge Saadallah Wannous, Omar Amiralay réalise une de ses oeuvres majeures.
Wannous mourant en chimiothérapie établit un diagnostic poignant de justesse sur la culture arabe, l'histoire et le statut de l'intellectuel. Amiralay à travers sa qualité d'écoute et le dispositif qu'il a mis en place filme ce testament intellectuel avec douceur et empathie pour nous livrer ce qui constitue un des plus grands documentaires arabes.
Ikbal ZALILA
127 - LA VIE QUOTIDIENNE DANS UN VILLAGE SYRIEN de - SYRIE ( 1974 )
128 - LES POULES de - SYRIE ( 1977 )
129 - UN PARFUM DE PARADIS de - SYRIE ( 1982 )
130 - LE SARCOPHAGE DE L’AMOUR de - SYRIE ( 1984 )
131 - L’ENNEMI INTIME de - SYRIE ( 1985 )
132 - IL Y A TANT DE CHOSES A RACONTER de - SYRIE ( 1997 )
133 - L’HOMME AUX SEMELLES D’OR de - SYRIE ( 2000 )
134 - DELUGE AU PAYS DU BAAS de - FRANCE ( 2004 )