Comme une forme d’espoir. Par le cinéma qui ne peut rien à lui tout seul, mais peut tout, à hauteur
d’Hommes, à hauteur de créateurs, à hauteurs d’artistes qui ont fait un rêve, et qui s’y sont accrochés,
jusqu’à le porter à terme comme on porte un enfant. Et ne lui ont pas lâché la main en chemin...
Il était une fois, les JCC. Il est une fois, et que sa joie perdure, un festival de cinéma, le plus ancien
dans le monde arabe et en Afrique, qui n’en finit pas de faire le bonheur des cinéphiles de tous bords,
lesquels n’ont jamais accepté d’en déserter les rangs, fût-ce dans les moments les plus durs, les moins
évidents, comme il y a juste une année, lorsque le terrorisme aveugle et sanguinaire, frappait un grand
coup, au coeur de la capitale, en plein centre de Tunis, mais qu’il n’aura pas réussi à en altérer l’éclat,
ni à en éteindre la lumière, qui a continué de briller dans les salles obscures, sous l’égide des Journées
Cinématographiques de Carthage, qui peuvent être fières, à raison, d’avoir fait de la résistance,
lorsque les ténèbres menaçaient de nous envelopper de toutes parts, et que le cinéma, triomphant,
et sûr de sa force de persuasion, a remporté le combat, à bras-le-corps.
Tahar Cheriaa, le père fondateur puis tous ceux à qui il aura passé le relais, avec fougue et tendresse
aura réussi la transmission. Une sorte de filiation dont rien ni personne n’aura pu rompre le fil ténu et
partant si fragile, qui fait lien depuis cinquante ans, et qui ne risque pas de casser, tant qu’il y aura des
femmes, des hommes, pour qui le cinéma demeurera, par-delà le passage des temps, le seul viatique.
Et les JCC, sa vitrine glorieuse, son visage avenant, sa magie qui opère, et l’occasion aussi de faire
télescoper, à chaque fois, comme on croise les regards, d’un pays l’autre, d’une génération l’autre,
d’une expérimentation l’autre, d’un rêve l’autre, quelque chose qui fait sens. Comme la pulsation secrète
d’une multitude de mondes à découvrir, avec toujours, l’émerveillement et la grâce de l’enfance.
Les Journées Cinématographiques de Carthage, dans leur 27ème édition, seront également
l’occasion de rendre hommage aux pionniers et pionnières. Qu’ils soient cinéastes, ou ayant porté à
leur manière, avec élégance, avec intelligence, avec glamour, timidement parfois, mais toujours avec
coeur, cette autre parole de cinéma, qui est aussi une manière de l’interroger à l’avenant, ils auront
su accompagner le festival, tout comme le cinéma d’ailleurs, intra-muros, avec fidélité et abnégation,
persévérance aussi, conscients que si beaucoup de sacrifices ont été consentis jusque-là, il est
indéniable que le chemin est encore long, avant que le cinéma ne remporte le dernier round, sous
des latitudes qui ont vu dépérir à mesure, s’étiolant comme une peau de chagrin, le parc des salles,
toutes régions confondues, dans un pays qui compte pourtant, créateurs et «aficionados» à n’en plus
compter, pour lesquels les JCC, devenues annuelles depuis 2015, sont le seul exutoire à tant d’espoirs
bafoués, de pouvoir reprendre aussi, tout au long de l’année, le chemin des salles obscures, pour y
découvrir des films venus d’ici ou d’ailleurs, pour ouvrir autant de fenêtres sur le monde que d’étoiles
dans le vaste ciel, à la mesure de sa démesure.
Les hommages vont aux vivants comme le burkinabé Idrissa Ouedraogo et le Français Olivier Assayas,
à ceux qui nous ont quittés : L’Égyptien Youssef Chahine, le père spirituel de toute une génération,
resté, jusqu’à sa mort, redevable aux JCC qui l’ont propulsé sur la scène internationale, le Sénégalais
Djibril Diop Mambety, l’Iranien Abbas Kiarostami et plus récemment les cinéastes tunisiens : Kalthoum
Bornaz, Adnen Meddeb et Taoufik Erraies sans oublier les pionnières dont l’actrice Haydée Tamzali
fille d’Albert Samama Chikly.
Différentes générations de cinéastes qui se sont armés de leur caméra, pour nous mitrailler une variété
d’images, qui parlent, qui respirent, et qui tremblent parfois comme un faon blessé, pour raconter un
monde, disparate, où pleurer et rire, vivre ou mourir, se confondant l’une l’autre bien des fois, par la
grâce de cet art, grand parce que populaire, ont su aussi, ne pas se laisser décourager, et n’ont pas
dévié du chemin qu’ils se sont choisis un jour, au fond d’une salle obscure, pour que s’y accomplisse
leur destin. En regardant les films droits dans les yeux. Les films les regardent aussi, comme ils nous
touchent au coeur...
Neila Gharbi