Cinéma allemand
De plain-pied dans l’époque...
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Pourquoi consacrer un hommage au cinéma allemand quand il y a tant d’autres images en mouvement dans le monde, d’autres films qui se font du nord au sud de la planète, balisant l’espace de notre imaginaire par des regards croisés portés sur notre contemporanité; un tel choix implique une certaine logique. Celle-ci résiderait dans le fait qu’il se passe des choses du côté du pays de Goethe et qui ont affaire avec le cinéma, et surtout avec l’altérité, plus qu’ailleurs peut-être. Dans le sens où la nouvelle génération de réalisateurs allemands ne focalise plus, dans ses oeuvres, sur la culpabilité collective portée comme un malaise par ses aînées, comme un chancre mal masqué, enlaidissant la visage de son histoire. Du coup, c’est un regard neuf qui transparaît, inventif, novateur, et qui ne craint pas d’être personnel. C’est ce qui fonde, paradoxalement, son universalité. Je regarde le monde et le monde tout entier est inscrit dans mon regard, comme sur un palimpseste. Ainsi, cinq nouveaux longs-métrages allemands figurent dans cette programmation- hommage, donc deux faisant partie de la section internationale. A savoir, le magnifique «Good by Lenin» de Wolfgang Becker, un film drôle et frémissant, qui a receuilli tous les suffrages,et qui prend prétexte d’un évènement de taille, la chute du mur de Berlin en octobre 1989, pour concocter une oeuvre trépidante, empruntant la passerelle de l’humour pour montrer l’intrusion du capitalisme dans le quotidien d’une famille, d’un fils, obligé de tout (re) mettre en scène, pour sauver la vie de sa mère, tombée dans le coma. A son réveil, huit mois après, tous les acteurs factices de sa chère époque socialiste l’entourent pour la protéger, en la leurrant... «The Stratosphere girl» de M.X. Oberg, c’est une toute autre histoire, avec mélange du réel et du virtuel, pour façonner le ciné-monde. Du coup, on ne sait plus qui manipule l’autre: Angela ou ses Mangas? Les Mangas ou Angela? La violence, elle, serait bien réelle.
«Love the hard way» est une coproduction américano-allemande. Signé Beter Sehr, le film raconte une rencontre, improbable ailleurs mais possible dans un film. Amour, sur fond de détresse sociale.
«Kroko» de Sylke Endrs, un premier long-métrage de fiction, est une immersion dans le monde des handicapés. Une immersion forcée, pour le personnage central du film; qui est un dessillement des yeux, du regard, sur cet autre qu’on ne voyait pas...
«Acteurs à tout prix» est un film documentaire de Andres Veiel. Jil suit, pendant sept ans, l’itinéraire de quatre jeunes comédiens. Des tranches de vie, prises sur le vif, au commencement, pendant, et après le passage à la vie professionnelle. Le documentaire suggère ici ce qui pourrait advenir dans un monde meilleur et qui n’advient pas.
Cet hommage prend en compte, également, deux cinéastes majeurs dont les oeuvres auront marqué les années 1970-80. Et pas seulement, puisqu’aussi bien Fassbinder que Herzog, ont marqué leur époque, et la nôtre également, puisque leurs films transcendent les territoires de la pensée.
Rainer Werner Fassbinder est un cinéaste prolifique qui a brûlé sa vie par les deux bouts. Né en 1945, il est mort en 1982 en laissant une oeuvre majeure. «Le marchand des quatre-saisons» pouvait être une oeuvre anodine, qui parle du quotidien obscur, d’un marchand ambulant. Elle ne l’est pas parce que le réalisateur excelle dans l’art de vous embarquer dans une histoire qui, d’un coup, devient la vôtre tout le temps que durera le film, et bien après...
«Aguirre, la colère de Dieu» de Werner Herzog est d’une toute autre veire. Cinéaste de la métaphore, des coups d’éclat et de la démesure, son «Aguirre» est un Sisyphe en puissance. Mais plus rude sera la chute. De celle dont on ne se relève pas...
Que serait cependant le cinéma allemand sans l’oeuvre de ses vétérans? Qu’ils s’appellent Lubitsch, Mornan, Pabst ou F. Lang, ils auront été l’avant-garde géniale d’une époque où l’image condensait mille discours, par un éclaira ge expressioniste, un jeu d’acteurs théâtralisé et une caméra inventive; le muet était parlant, et continue à nous parler.
Aussi bien «L’opéra de quat’sous» de Georg Wilhem Pabst que «Les trois lumières» de Fritz Lang qui inaugure le cycle, avec accompagnement musical, font partie du patrimoine cinématographique mondial. Des classiques indétrônables.


Samia Harrar

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