D’avoir su installer, d’emblée, une certaine atmosphère, glauque, mystérieuse, inquiétante et quasi-envoûtante, tout en restant sur le fil du rasoir, vaut à la réalisatrice rwandaise Jacqueline Kalimanda de réussir un court métrage, «Histoire de tresses», vraiment hallucinant. Hallucinant dans le sens où elle nous embarque dans une histoire étrange et émouvante à la fois, qui tourne autour d’une tresseuse. Et que cette histoire, au départ anodine mais où règne comme un parfum d’âcre mystère, se transforme à un certain moment en «thriller» sans qu’il n’y ait de cadavres ni de sang versé.
Juste une séquence qui aurait facilement pu tomber dans un «exotisme» de pacotille, et qui évite ce piège, superbement. Siham était à la recherche de mains qui apaisent. Quand elle retrouve enfin Darylia, elle l’emmène chez elle dans une chambre sombre, sans lumière, qu’elle éclaire avec des bougies; leur faible lueur dévoilant petit à petit, alors que l’angoisse monte à la gorge du spectateur rivé sur le regard effaré de Darylia, des statuts à l’apparence inquiétante, et tous les attributs du vaudou.
L’Afrique n’est pas loin, mais ici point d’excès de magie, de sorcellerie à l’écran. Juste des allusions et une quête. Celle d’une paix à retrouver pour rejoindre les âmes des ancêtres et renaîte encore une fois à la vie.
Au passage, la cinéaste montre, sans insister mais avec beaucoup d’humanité, la dure condition d’une immigrée, cloîtrée dans sa chambre obscure, avec une petite fille qui n’en peut plus de rester là, pendant des journées entières, à regarder sa mère trimer. Puis vient l’échappatoire vers la lumière, vers le soleil, vers la liberté au dehors; et Darylia apaisée...
Samia Harrar