Pour ceux qui connaissent le très beau livre de Eric-Emmanuel Schmidt, qui porte d’ailleurs le même titre que le film, lequel en est une adaptation très fidèle, l’oeuvre de Olivier Dupeyron, outre qu’elle donne l’occasion aux cinéphiles de retrouver l’eccellentissime acteur qu’est Omar Sharif, est exemplaire en cela même qu’elle renvoie à l’univers intime du livre lui-même, comme si le film avait nourri l’imaginaire de Schmidt, alors que l’oeuvre de ce dernier lui est antérieure. Adapter des romans au cinéma, c’était le péché mignon de Truffaut qui, on le sait, était un grand lecteur devant l’éternel. Et c’est une gageure difficile, surtout dans la mesure où le réalisateur s’astreint à coller fidèlement au texte, à la chair des mots, à leur texture.
Dupeyron a relevé ce défi et, surtout, il a fait mouche dans son choix des acteurs principaux. A savoir Omar Sharif et l’adolescent qui interprète (incarne) Momo à l’écran. Comme si une filiation à trois, à quatre devrait-on dire, s’était opérée comme par magie entre le cinéaste, l’écrivain et les comédiens.
Et tout comme, dans le film, Monsieur Ibrahim couve Momo de son regard bienveillant, l’acteur Omar Sharif semble couver le jeune comédien et le guider dans son jeu.
Au cinéma «Le Mondial» où le film «Monsieur Ibrahim et les fleurs de coran» a été projeté, il s’est installé, soudainement, comme une forme d’empathie dans le public, comme si l’apaisement apporté par l’oeuvre, par le film, transcendant l’écran pour toucher de sa grâce tout spectateur rivé à son siège. Un univers mental, fait de sérénité et de paix, mais une sérénité qui ne s’est pas installée d’emblée, à l’image du voyage qui mène Mr. Ibrahim vers les steppes de la Turquie et jusqu’à l’Anatolie, accompagné de son fils d’adoption - Moïse est devenu Mohamed - et qui est l’ultime étape de l’initiation spirituelle, de coeur à coeur.
Et c’est là la force du film, du réalisateur: d’avoir, toujours avec beaucoup de douceur, campé tout le décor qui entoure le «héros» du film (l’intérieur sombre de la maison de «Momo», le visage taciturne et triste de son père et tout ce qui est suggestif et fait allusion au départ de sa mère) avant d’élever avec lui le spectateur vers la lumière...
Cela se passe par le sourire, par de petites phrases solitaires lesquelles, telles les petits cailloux du Petit poucet, sèment la tendresse comme des étoiles dans le ciel. Un ciel très présent dans le film; et ces petites phrases finissent par faire lien puisque tout est dans les coeurs...
Et puis tout est structuré autour des ellypses, l’essentiel se dévoilant à nous par à- coups, subrepticement; comme Momo qui découvre qu’il n’a jamais eu un frère qui s’appelait Paulo, et que la femme de Monsieur Ibrahim est morte il y a bien longtemps.. “... Tout est dans mon Coran”. Et les fleurs y sont bleues.
Une belle leçon de tolérance, aucunement moralisatrice, et une prestation d’un grand acteur d’une élégance sans failles.
On a tout juste envie d’applaudir... et de revoir le film.
Samia HARRAR