JCC et dialogue des cultures
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Les JCC tiennent le pari depuis leur création en 1966 d’être un lieu de promotion des cinémas africains et arabes et de découverte des cinémas minoritaires. Ma première participation à ce festival remonte à 1988. Elle a été capitale, comme le sont toujours les premiers contacts avec les cultures différentes. On en garde toujours des souvenirs vivaces.
Le cru de la 12e édition en 1988 était relevé grâce notamment à la sélection de films-phares venus du sud du Sahara; parmi lesquels «Yeelen» du Malien Souleymane Cissé qui venait de remporter un succès au festival de Cannes de la même année, le populaire «Bal poussière» de Henri Duparc, «Les Guérisseurs» de Sidiki Bakaba. A côté des anciens, il y avait les jeunes débutants comme le Camerounais Jean-Marie Téno qui présentait son premier long métrage, «Bikutsi, water Blues» (L’eau de misère). Ces films étaient d’ailleurs bien accueillis par le public tunisien. Le dialogue entre les cultures arabes et africaines était favorisé par la magie de l’image, qui donnait à chacun la possibilité de découvrir les autres. La véritable occasion de dialogue est venue d’un incident provoqué volontairement par les réalisateurs cités. Frustrés de devoir suivre les débats et la présentation des programmes uniquement en langue arabe sans traduction française par un autre cinéaste. C’est ainsi que devant le public médusé, Souleymane Cissé se mit à parler de son film en langue bambara, que Sidiki Bakaba, tout en traduisant les propos de Cissé en français, se mit également à parler en Dioula, qu’un autre prit la parole en langue woloff du Sénégal, etc...
Interpellés par le public présent, les réalisateurs se justifièrent en confiant qu’ils avaient ressenti la même frustration que le public et entendaient attirer l’attention des organisateurs sur le caractère continental et international des JCC. Le public approuva et les débats se poursuivirent en toute quiétude en arabe, français et anglais. Depuis, je constate l’effort des organisateurs pour continuer à favoriser le dialogue entre les cultures du Nord du continent et celles du Sud.
Pour les habitués de la manifestation, les JCC offrent, chaque année, des moments d’intense plaisir intellectuel. Présenté en première mondiale aux JCC de 1988, «Arab» des Tunisiens Fadhel Jaïbi et Fadhel Jaziri a été pour moi un autre choc émotionnel. Par sa force dramatique, ce film m’a permis de partager pour la première fois avec le peuple arabe les questions fondamentales sur son histoire passée et présente. C’est assez bouleversé que je suivis la projection de ce film. Et depuis j’apprends à comprendre la société arabe, comme me l’ont permis du reste au fil des éditions d’autres films majeurs tels que «La trace» de Néjia Ben Mabrouk, «L’homme de cendres» de Nouri Bouzid, «Halfaouine» (Tanit d’or en 1990) de Férid Boughedir, «Les Silences du palais» de Moufida Tlatli (Tanit d’or en 1994), «La danse du feu» de Selma Baccar, «Machacho» de l’Algérien Belkacem Hadjadj, «Badis» de Mohamed Tazi, «Le Casseur de pierres» de Mohamed Zran, «Le collier perdu de la colombe» de Naceur Khémir, «Poupées de roseau» de Jillali Ferhati, «A la recherche du mari de ma femme» de Mohamed Tazi, etc... Ces films parmi tant d’autres m’ont apporté beaucoup. Mieux: en réconciliant les publics arabes avec leurs cinémas, ils ont confirmé le rôle moteur des JCC tant pour les cinémas nationaux que pour le cinéma africain en général.
Peut-on d’ailleurs parler de moments cinématographiques intenses qu’offre chaque édition des JCC sans évoquer les colloques organisés depuis le début du festival. Par la pertinence de leurs thèmes ces forums sont comme la cerise sur le gâteau, car ils permettent de débattre des questions-clés des cinémas arabe et africain, grâce notamment à la qualité des participants et le haut niveau des débats. Un festival vaut par la valeur des hommes et des femmes qui le pensent et l’organisent. Je dois ici rendre hommage au doyen Tahar Chériaâ, le fondateur, Ali Zaiem, Ezzedine Madani, Ahmed Attia, Férid Boughedir et Dorra Bouchoucha, qui ont su redonner un souffle nouveau au festival à partir de 1992 en initiant entre autres l’Atelier des projets. A l’occasion de cette 20ème édition, mes vœux accompagnent les organisateurs , au premier rang desquels Mme Nadia Attia, pour que continue le dialogue entre les cultures africaines et arabes.

*(Critique de cinéma - Burkina Faso)

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