Depuis que je fréquente les Journées Cinématographiques de Carthage, et cela remonte à ses débuts euphoriques qui ont suscité un grand espoir quant à l’avenir du cinéma arabe et africain, il s’est passé tant d’évènements dans le parcours de cette manifestation qui maintient jalousement son rendez-vous biennal.
Ceux qui ont en mémoire les péripéties des premières sessions se souviennent de la tentative de la toute puissante M.P.P.A. pour régenter le festival et le faire entrer dans le moule d’une manifestation de prestige, mise au service de la prééminence du cinéma américain.
La résistance farouche des organisateurs de l’époque avec à leur tête Tahar Cheriaâ fait échouer cette tentative hégémonique en affirmant la spécifité et l’indépendance des J.C.C. malgré les pressions réitérées du hydre américain.
Ce mauvais intermède, vite oublié, n’a pas manqué aussi de faire jeter les prémices de la création de la Fédératioin panafricaine des cicéastes en 1975 à Alger et l’adoption de la première charte de la F.E.P.A.C.I.
Au fil des sessions et sans renier leurs choix et leurs objectifs initiaux, les J.C.C. ont entamé une ouverture sur d’autres cinématographies nationales.
Les cinémas français, suisse, belge, polonais, hongrois, de pays scandinaves et de l’Argentine avec la découverte des films de Miguel Littiw, et j’en oublie, ont fait et font encore les délices des cinéphiles éclectiques, à l’affût d’un cinéma différent.
L’organisation du forum internacontinonnal du cinéma a été, de mémoire de cinéphile, l’un des moments forts dans les annales des J.C.C. Initié par feu Hamadi Essid, ex-directeur de la défunte SATPEC, le cinéma d’Amérique latine a fait une entrée très remarquée.
Ce cinéma a surpris par son foisonnement et ses inspirations ainsi que par une démarche esthétique très originale. La Pampa et le Sertao servent de cadre aux errances de pauvres hères déracinés et dépossédés par des «latifundistes» tout puissants.
Le cinéma Novo brésilien avec son précurseur Nelson Pereira Dos Santos, auteur du film inaugural de ce cinéma, “Vides secas” et son continuateur inspiré Glauber Rocho, puis Carlos Dieuges ont été les ténors de ce mouvement cinématographique qui cherchait à s’affranchir des codes hollywoodiens dominants, en prenant ce que certains théoriciens de l’époque ont désigné par le terme de “l’esthétique de la faim”.
Malgré la différence des contextes culturels et sociaux, des convergences ont été relevées entre le cinéma Nova et le cinéma arabe et africain, au cours de débats passionnants animés par la F.T.C.C. en présence du cinéaste argentin Fernando Solanos, l’auteur du brûlot “L’heure des brasiers” et co-signataire avec Getino du fameux texte intitulé “Le troisième cinéma».
Donc, convergences ne serait-ce qu’aux niveaux de l’ancrage culturel, de la forte prégnance de la réalité et de la recherche d’un langage cinématographique spécifique suceptible de mettre un grain de sable dans la grande machine hollywoodienne dévoreuse et pourvoyante d’une aliénation diffuse.
Mohamed Abdessalem