Le chant de la Noria(Tunisia) - JCC : 2002 - 107 min


Abdellatif Ben Ammar




Zeineb est une femme de caractère depuis l’enfance : elle refuse, elle divorce, elle tient tête. Divorcée, elle sera libre selon la loi, mais enchaînée car la loi n’est pas respectée et que son ancien mari la fait violemment pourchasser par des hommes de mains. Partir ? Elle suit M’hamed, qui l’aime mais veut partir lui aussi, émigrer. Commence alors un road movie vers le Sud de la Tunisie où les paysages se font de plus en plus désertiques. Régulièrement, la beauté des lieux portent le récit. Le couple déchiré par cette question du départ, à l’image d’un pays qui perd ses enfants, rencontre Ali qui, lui, revient les poches pleines d’Amérique. Mythomane ou imposteur ? En tout cas ouvert à l’amitié et lui-même traversé par le déchirement du déracinement face à sa sœur qui dut se débrouiller toute seule. Ses justifications se perdent en une belle image dans le bruit d’un train qui passe. L’émigration, un mirage ? Départ vers une autre vie de misère ? Mouldi, le mari de la sœur d’Ali, dénonce l’hémorragie des forces vives : « Cela vous arrange d’enterrer le passé pour vous innocenter ! »

Zeineb incarne la résistance : « Ni Nord, ni Sud, ni Est, ni Ouest ! » sans pourtant se gorger d’illusions : « Ni moyens, ni projets, ni voyages, ni malheur – c’est notre destin ! », avant de reprendre ce que disait Mouldi : « La seule chose dont il faut avoir peur, c’est la peur ! » Sa détermination est une interrogation aux hommes, à M’hamed : Où sont les hommes de notre enfance ? et c’est bien de virilité qu’il est question ici, de cette puissance à prendre en mains le destin du pays.

Une image toujours signifiante et des dialogues incisifs illustrent les déchirements de personnages saisis par la mélancolie. Sans jamais prononcer d’anathème et cherchant seulement à comprendre et sentir la complexité du phénomène migratoire, « Le Chant de la Noria » est une belle et vitale réflexion, en prise sur une Tunisie qui n’en finit pas de se demander pourquoi elle perd ainsi son sang.

Par Olivier BARLET
(Extraits)

Africine.com