Hyènes(Senegal ) - JCC : 1992 - 110 min


Djibril Diop MAMBETY




« Le monde a fait de moi une putain, je ferai du monde un bordel », dit très cyniquement Linguere Ramatou en quête de justice. Plus riche que la Banque mondiale, elle propose 100 milliards de dalasis (monnaie gambienne) aux habitants s’ils tuent Dramane Drameh, qui avait refusé de reconnaître la paternité de l’enfant qu’ils concevèrent ensemble. La suite ? Au moment de devenir le maire tout puissant de la ville Dramane est entravé dans son ascension par une Linguère Ramatou qu’on découvre assoifée de vengeance. La fin est proche pour le vieil homme lorsque son ancienne amante prononce sa sentence : « pour partager le festin du lion, il faut être lion soi-même. » Voilà le décor de Hyènes planté. Un conte traditionnel à plusieurs voix qui pose une réflexion universelle sur la trahison, le pouvoir de l’argent, la corruption. En 1992, lorsqu’il est diffusé pour la première fois et sélectionné au Festival de Cannes, il apparaît clairement comme une œuvre qui marquera l’histoire du cinéma africain, empruntant tout autant aux codes occidentaux qu’à ceux d’un Ousmane Sembène.

Le réalisateur sénégalais signe un film remarquable sur à découvrir ou à revoir pour rendre hommage à un cinéaste qui n’a cessé de montrer au monde les qualités mais aussi les travers de la société sénégalaise. Né le 23 janvier 1945 à Colbane, Djibril Diop Mambéty, un fils d’imam, a parcouru un long chemin avant sa mort à Paris le 23 juillet 1998. De son adolescence dans les tous premiers moments de l’indépendance, au premier café-théâtre sénégalais qu’il mit sur pied, le jeune comédien intègra d’abord le Théâtre National Sorano de Dakar avant de jouer dans des films et enfin d’en réaliser. Ce fût le rêve de sa vie de créer des films dans le respect des traditions africaines, avec des costumes forts, des personnages tout droit sortis d’un western, comme cette actrice japonaise qui joue le rôle de dame de compagnie pour Linguère Ramatou, et ces dialogues cruels par moment mais tellement criants de vérité. Sans oublier, la musique. Tous les films de Djibril Diop Mambéty sont musicaux.

(Extraits)
Lepoint.fr