Benzine (Tunisia) - JCC : - min


Sarra Abidi




Sous son programme narratif, Benzine pose pour le spectateur un horizon d’attente, épousant la courbe d’une quête désespérée. Si l’on ne sait pas où l’on va, on sait au moins avec qui. Mais plutôt que d’opter pour la résignation de ses deux protagonistes, le film s’emploie à les projeter contre la fatalité de la disparition, sur deux lignes parallèles. Sur les épaules de l’un, pèse en effet la lourde attente de l’autre. Salem, à qui Ali Yahyaoui prête la silhouette d’un vendeur de carburant, ne lésine pas sur ses moyens pour mener comme il peut son enquête. Contradictoires, les informations qu’il recueille ne font pourtant que confirmer ses doutes à l’endroit du passeur qu’il soupçonne d’être à l’origine du départ de son fils. La mère Halima tangue sans plus d’amarres, remuant ciel et terre pour retrouver son fils. Rongée par l’angoisse de la perte, elle n’hésite pas à fréquenter un marabout ou à mettre en vente la moto de son enfant pour partir à sa recherche. C’est cette frustration qui trouve dans le regard grisé et la voix éteinte de Sondoss Belhassen sa plus juste expression, chargeant le moindre plan d’une émotion évidente.

Face au drame, Benzine ne fait pas mystère de la métaphore d’un trafic qui brûle tout sur son passage, vies et destins. Mais si ce trafic sert avant tout de prétexte à la dramaturgie, celle-ci est vite alarmée par une certaine pesanteur, qui dépend moins des péripéties de l’analyse intime des protagonistes que du ressort même de l’enquête. Entre consultations d’avocat et angoisse de retrouver le corps du fils à la morgue parmi les cadavres repêchés en mer, Sara Abidi cheville en fait sa dramaturgie à un travail de deuil impossible.
Ce sera ici plutôt une qualité que de valoir plus que ses faiblesses. Car si la mise en scène fait le dos rond, ou semble peu prise dans les tourments du couple, la caméra épie la résonance des paroles sur les visages. Ce qui entraîne à l’écran quelques plans attentifs et immobiles, comme suspendus à une vérité qui renonce à se dire. Mais la caméra ne paraît jamais plus à l’aise que dans la proximité avec laquelle elle vient cueillir l’émotion par quelques échappées.

ParAdnen Jdey
nawaat.org