Nidhal Chatta
Nul doute que ramené à ses grandes lignes, No Man’s Love laisse quelques blancs dans le filet de l’intrigue. Mais ce qui importe ici, c’est que tout se joue en intériorité. Ce n’est pas pour autant une fiction aux lèvres closes.
Nappé d’un monologue intérieur, le film confie à la voix off de Hakim l’effort de tout crache. Commode diégétiquement pour tirer le portrait de ce jeune révolté, le monologue sert de catalyseur aux dialogues entre les personnages. C’est d’un même souffle qu’il expose le jeu et les règles du jeu. Plutôt soliloqué ou murmuré que dit, il aide à aménager le rebond de l’histoire selon les crispations secrètes de Hakim, à organiser le tumulte apparent de No Man’s Love. Et puis, éclairant le tout intimement, il y a dans ce monologue une magnifique dignité.
Osée, sa violence têtue n’en reste pas moins d’une haute et sincère poésie dont nos scénaristes feraient bien de s’inspirer.
On dira que Nidhal Chatta, du moins dans No Man’s Land, a le cinéma plus dans la tête que dans le cœur ou dans le sang. En un resserrement progressif sur les corps, sa caméra se recommande dans No Man’s Love par sa discrétion.
Entre cailloux et sable, mort passée et mort à venir, elle ne cesse de rendre l’espace tributaire du temps : ce qui est une belle définition de la quête initiatique, qui rattrape les personnages jusque dans les fièvres et les pulsions qui rôdent.
Libre, la caméra sait surtout décoller un visage en proie à des pensées secrètes, balayer des tableaux vivants mais mobiles avec une solennité hiératique. En témoigne ce magnifique plan qui, sur fond de monologue intérieur, laisse l’une des plus belles scènes d’amour du cinéma tunisien s’organiser à l’intérieur du cadre, le temps d’un travelling accueillant en plongée tout le vide du désert. La beauté de No Man’s Love, Nidhal Chatta l’a peut-être ainsi assise sur nos genoux.
Par Adnen Jdey
(Extraits)
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