LE PÂTRE DES ÉTOILES(Tunisia) - JCC : 2004 - 22 min


Mourad Ben Cheikh




Dans « Le pâtre des étoiles », il est question de deux étudiants en art dramatique. Un jeune homme et jeune une fille, habitant dans un foyer universitaire, sont à la recherche d’un emploi pour répéter. Ils s’introduisent dans un vieux théâtre abandonné et ne tardent de se rendre compte qu’ils y sont prisonniers. Le jeune homme trouve une solution pour quitter les lieux, mais la jeune fille qui ne peut regagner la cité universitaire au delà de 21H, ne sort du théâtre qu’à la levée du jour. Abandonnée à elle-même, elle investi le théâtre pour mettre en scène le texte qu’elle devait répéter.

Dans le film de Ben Cheikh, le jeune homme s’éclipse au bout de quelques minutes et permet, ainsi, à sa compagne de prendre en main son propre destin et celui d’un texte littéraire. Le jeune homme profère juste quelques mots en dialectal sur les risques éventuels de cette incursion nocturne dans un lieu de spectacles désaffecté, puis disparaisse en retour. Le réalisateur évacue, d’entrée, la fiction conventionnelle du couple. L’homme n’est que de passage, accompagnateur et non acteur, passeur provisoire et non complice incontournable, maintenu à l’écart de la représentation théâtrale et vite exclu du champ. C’est lorsqu’elle puise dans l’absence même de son partenaire la condition essentielle d’un dialogue possible libéré en fin de toute entrave et de toute précaution, que la femme trouve la vraie mesure des mots et découvre son intériorité la plus profonde.

Le texte littéraire dont la jeune fille jette la semence dans un lieu théâtral ou ne joue plus personne, n’est pas un support extérieur et circonstanciel par rapport à une parole féminine qui s’assume et s’exprime, il est le fondement même de la lumière et de la vérité de cette parole.

Plutôt que de formuler les affinités entre le cinéma et la littérature en terme de primat et d’antériorité, il s’agit de les considérer comme des postulations concomitantes, l’une sondant ses élans et ses jaillissements dans le creusé de l’autre

Par Hédi Khélil
(Extraits)

Abécédaire du Cinéma Tunisien