Mohamed Damak
‘’Le festin’’ n’est pas seulement un film sans paroles, c’est aussi un film qui réduit ses acteurs, habitués pourtant à la solennité de la scène théâtrale, à une sorte d’immobilité ou plus précisément à une posture assise indéfinie.
La gageure du film de Mohamed Dammek réside donc dans la contrainte de ‘’gommer’’ de corps de l’acteur, pour focaliser son intérêt sur l’expression de son visage, et d’écarter toute intériorité du personnage afin de le réduire à son paraitre, au masque qui façonne sa situation immédiate, ou encore à la mascarade de sa prestation, si bien que l’acteur ne peut envisager son rôle que sous les traits d’une véritable marionnette. De ce point de vue, ‘’le festin a tous les aspects d’une comédie pure dans la mesure où les personnages ne sont pas définis par une situation dramatique précise, ni par une quelconque trajectoire narrative. Il s’agit plutôt de ‘’personnages-texte’’ selon l’expression de Barthes, c’est –à-dire des signes qui disent l’environnement social et culturel.
Cela nous autorise à dire que l’intension de composer une satire sociale ne relève pas d’une logique moralisatrice ou éthique, mais semble découler d’une disposition particulière des signes... C’est pour cette raison que les personnes réunis autour du bouquet nuptial ne sont pas visiblement situés dans un espace précis. Un fond noir les sépare du monde extérieur, tel un voile qu’on érige autour de soi pour qu’on puisse donner libre cours, en toute immunité, à une gourmandise fébrile, sauvage, violente, voluptueuse et instinctive.
Tout l’enjeu de ce film est d’opposer le théâtre au cinéma. C’est ce que le dernier plan du film cherche à faire valoir en opérant un pano travelling vertical pour nous permettre de découvrir e lieu de ce diner de mariage : la scène de l’amphithéâtre d’El jem.
Mais la , ce qui est mis en exergue, ce n’est pas la posture des invités autour d’une table, mais les lampes allumes à travers les arcades de l’édifice historique c’est ce jeu entre l’enfermement intime et lubrique du diner et l’ouverture du dernier plan qui montre à quel point le cinéma n’est pas une affaire de sujet ou de thème, mais une affaire de stratégie ; visuelle qui cherche à déjouer l’attente du spectateur pour créer en lui l’effet de la surprise.
(Extraits)
Journal « Le Temps »