Ibrahim Letaief
L’idée est superbe : pour limiter l’accès aux visas d’entrée auxquels aspire une bonne partie de la jeunesse tunisienne, l’ambassade de France impose un test de langue française sous la forme d’une dictée.
Le nombre de fautes déterminera son attribution et la longueur limite du séjour. Les journaux préparent la dictée, en font leurs gros titres. Pour réussir, du Bescherelle au dictionnaire, Rachid se convertit véritablement au français, prend des cours et l’impose à sa famille malgré sa faible connaissance de la langue de Molière. Sa francophilie n’a plus de bornes : c’est parfaitement hilarant, bourré de petites pointes taquines (comme sur le quotidien La Presse, un des principaux journaux tunisiens : « il n’y a rien à lire mais au moins c’est en français »).
On rit de bon de sa propre image mais le rire est jaune aussi car la vision est juste : si ce film est convaincant, c’est bien qu’il y a un fond de réalité dans cette façon qu’a toujours l’Occident de ravaler l’Africain à un moins que rien culturel, de bien le lui faire sentir en compliquant à souhait les procédures. S’il ne peut avoir de visa, c’est qu’il est sous-cultivé, incapable d’écrire correctement le français.
L’ami de Rachid, pourtant fin érudit de la langue française, fera 68 fautes à la dictée
La satire est perçante et déchaîne les salles tunisiennes. En 26 minutes, un excellent condensé et une bonne détente qui a obtenu le grand prix du court métrage aux Rencontres cinématographiques de Carthage.
Par OLIVIER BARLET
(Extraits)
Africultures.com