سلمى بكار
Habiba Msika, un personnage fantasmé ?
Selma Baccar : Un personnage prétexte à la représentation de la condition de la femme et de plusieurs facettes, tunisienne et juive, femme et artiste à un moment où l’habitude n’est pas entrée dans les mœurs... Et une quête d’absolu, par rapport à cette liberté de la femme, à sa créativité d’artiste : une artiste qui outrepasse ses propres limites et limites sociales.
Une époque fantasmée ?
Une image idyllique de cette époque où tout était possible, et qui posait les prémisses d’aspects modernistes. Je suis fascinée par le quotidien d’une époque où le spectacle était à la une. Les journaux en témoignent. Une semaine après la mort d’H. Msika, un film sur l’enterrement était projeté dans toutes les salles. Les gens vivaient de façon frénétique.
Epoque du féministe Tahar El Haddad et de Habiba Msika ?
Elle a choisi sa vie. Elle l’a vécue à plein, c’est cette aspiration à la vie qui est importante. Ni théorisation, ni revendication, mais la vie à l’état pur.
Grand déploiement de figuration pour ce film.
C’est un film de spectacle, de masse. Habiba Msika n’existerait pas sans ce public. Le spectacle c’est sa vie. Il symbolise sa vie. La danse du feu est une danse de mort : le spectacle de danse préfigure sa mort. Elle est comme ce papillon qui sait qu’il va se brûler s’il approche trop de la lumière, mais qui ne peut s’en empêcher. Une vision qui tient aussi à ses convictions : « Je veux réhabiliter Mimouni. Un homme qui a souffert, un personnage pathétique, que sa passion rend criminel ».
Votre manière d’appréhender le travail avec le comédien
Chaque plan est une peinture. D’abord je dégrossis avec le comédien, puis je rentre dans le détail progressivement. Le comédien est une matière humaine et sensible. Il me faut malaxer la matière-comédien avec la matière- personnage. Trouver le point d’osmose. Ce que j’attends de lui ne peut se faire sans lui, sans son apport, sans sa volonté. Il me faut d’abord l’écouter. D’ailleurs mes choix de comédiens ont engendré la création d’un personnage dans le scénario. Au point que quelquefois je mélange personnage et comédien. Si le découpage technique est très précis, en fait tout se joue à la prise de vue. C’est le nouveau regard que je porte qui sera déterminant.
Par Taher Chikhaoui
(Extraits)
Ecrans d’Afrique