إبراهيم باباي
J’ai pu voir enfin un film qui venait de sortir en Tunisie et que je considère personnellement comme le meilleur parmi tous ceux qu’on m’a permis de découvrir. Il s’agit du premier long métrage de Brahim Babaï : Et demain. C’est un témoignage lyrique et amer sur le passage d’une civilisation agricole à la civilisation industrielle.
C’est le portrait d’un garçon qui étouffe dans son village de l’intérieur. Il rêve de monter à la ville. Il vient à Tunis, se bat pour gagner sa vie et, mal préparé à ce combat, devient une épave.
Et demain est un film dur, sans concessions. Il affronte le problème douloureux de l’exode rural, il ouvre les yeux sur une plaie de la Tunisie (et de bien d’autres pays). C’est un film utile, qui donne à réfléchir.
J’admire que la censure tunisienne ait eu le courage de le laisser sortir. Il ouvre la voie d’un cinéma en prise sur la réalité, il est l’ébauche d’un véritable cinéma politique. Il peut devenir le prototype d’une production qui ne s’enferme pas dans la nostalgie d’un passé révolutionnaire ni dans le « nombrilisme » d’une caste préservée. La probité de ce film fera plus pour le prestige du cinéma tunisien que toute tentative de production esthétique et illusionniste. La vérité nue est toujours gagnante. Il faut avoir l’audace de la vérité.
Il faudrait aussi que de tels films passent les frontières. Et demain pourrait, devrait être projeté en France. Le drame qu’il évoque nous concerne. Il est facile d’imaginer une suite à ce récit, le prolongement d’un exil vers le nord qui conduirait le héros à Marseille, paris ou l’Italie, travailleur migrant sans spécialité, rejeté, ici comme à Tunis, en marge de la consommation, mais exploité pour toutes les tâches que les autres refusent.
Par Jean Collet
(Extraits)
La revue ETUDES