هشام بن عمار
En présentant son film, Hichem Ben Ammar a défini la madrague comme étant un piège, a parlé de la motivation qui l’a poussé à réaliser ce documentaire, le comparant également à un piège. Je crois que nous pouvons reprendre cette métaphore pour qualifier la relation qui s’établit entre le spectateur et ce film … Mais quel beau piège !
Au moment où certains de nos cinéastes continuent à rabâcher les mêmes images et les mêmes faux soucis, et au moment où nos jeunes, armés de beaucoup de bonne volonté, croyant apporter un nouveau souffle à notre cinéma, se trouvent, on ne sait par quel pouvoir, endigués dans le même marécage que leurs aînés, Hichem Ben Ammar choisit de plonger au fond de la réalité pour interroger ses paradoxes, mais surtout pour dégager ce qu’elle contient comme poésie et comme sagesse.
Il les fait parler avec beaucoup de subtilité de leurs croyances, de leurs peurs, de leurs angoisses, de leurs joies…Ils parlent de leur pauvreté sans complexe et de leur richesse particulière avec beaucoup de fierté et de générosité.
Ô ! Capitaine des mers n’est pas un discours sur une réalité ; c’est une réalité reconstituée au rythme des images.
Les récits que racontent les marins viennent donner de l’épaisseur et de la profondeur au film.
La naïveté de ces gens simples, s’exprimant devant la caméra comme devant un confident, se transforme en des propos d’une grande sagesse. Plus qu’un commentaire des images, les propos sont à lire au second degré. C’est là que nous accédons aux références sociologiques, aux données économiques et politiques.
C’est là surtout que nous goûtons aux délices d’une imagerie populaire sans que le regard que l’on porte dessus ne glisse dans le folklorisme plat et stupide, ni dans l’intellectualisme artificiel et foncièrement faux. Le réalisateur ne greffe pas un discours de quelque ordre qu’il soit.
Ses images, comme les barques s’enfonçant dans la mer allant à la chasse de la vie, vont au rythme des vagues et obéissent aux ordres des courants. Comme ces marins au cœur plein de générosité et de bonté, Hichem Ben Ammar aborde ce monde de combat entre la vie et la mort avec beaucoup de modestie et de sollicitude.
Voici enfin un cinéaste tunisien qui ne prétend pas changer l’histoire du cinéma, ni conquérir le monde à force de génie.
Par Hassouna Mansouri
(Extraits)
Journal La Presse