Editorial
Les JCC 2023, pour la promotion des Cinémas Africains et Arabes: les Succès, les Acquits et les espoirs
Les Journées Cinématographiques de Carthage ( JCC ) sont le plus ancien Festival de Cinéma d’Afrique et du Monde Arabe : Et le Premier Festival, qui après avoir attribué en 1966 sa récompense suprême, le Tanit d’Or, au premier long métrage d’Afrique Subsaharienne, le film “ La Noire de…” du sénégalais Ousmane Sembene, a choisi de défendre à tous les niveaux, et cela sans interruption sur tout son parcours jusqu’à nos jours, les films africains et arabes “d’expression ” reflétant le point de vue artistique d’un (e) cinéaste plutôt que le cinéma commercial majoritaire dominant de divertissement et d’évasion. En plus d’un demi siècle d’existence, les JCC ont révélé les plus grands noms des cinémas africains et arabes avant que ces derniers soient ensuite reconnus à l’échelle internationale : Tels le malien Souleymane Cissé, primé à Carthage en 1972 des son premier court métrage, avant d’être plus tard consacré à Cannes en 1987, ou l’égyptien Youssef Chahine Tanit d’or des JCC en 1970, avant de remporter l’Ours d’Argent à Berlin huit ans plus tard …
Fondées par le Président de la Fédération tunisienne des ciné-clubs Tahar Cheriaa, alors Chef du Service Cinéma au Ministère des Affaires culturelles dirigé par Si Chedly Klibi, les JCC ont continué à être dirigés durant une longue période par les membres de la Fédération devenus fonctionnaires du Ministère, avec un rapport privilégié au public tunisien, suivant l’esprit et la ferveur de la Cinéphilie propre aux ciné-clubs, la présentation et les débats des films restant au cœur du festival.Dès le début des années 1990, les fonctionnaires ont cédé la place aux professionnels tunisiens du cinéma, producteurs, réalisateurs, critiques et enseignants de cinéma, faisant des JCC, toujours organisées par le Ministère des Affaires Culturelles et gérées financièrement par Le CNCI, un des seuls festivals du Sud dirigés directement par des producteurs et des cinéastes du pays. Depuis on peut dire que les JCC et leurs objectifs d’origine restent fidèlement soutenus par les professionnels du cinéma tunisien et les associations de cinéma avec une cohésion et une solidarité sans faille, renouvelée à chaque session ….
1- 2023 : Une session "exceptionnelle", la célébration d’un Centenaire
La session 2023 des JCC se veut “exceptionnelle” essentiellement par la taille qu’elle accorde, aux côté de toutes ses compétitions maintenues, et des sections principales du festival, à une section de célébration de l’année du “Centenaire du cinéma tunisien: décembre 1922 -décembre 2023 “: Cela pour commémorer un long parcours commencé avec le premier film tunisien de fiction “Zohra” de Samama Chikli, un des tous premiers films réalisés par un autochtone sur le continent Africain, film ayant vu sa première sortie sur les écrans tunisiens en décembre 1922.
Organisée au sein des JCC de façon autonome par la Cinémathèque Tunisienne, sous la gestion du CNCI, la célébration du centenaire sera entre autre composée de projections de films restaurés, d’ hommages possibles à des cinéastes, producteurs, techniciens, distributeurs, des comédiennes et comédiens d’ hier et d’aujourd’hui, des montage d’actualités filmées sur les tournages de films en Tunisie, et de l’activité cinématographique, y compris sur l’histoire des JCC elles-mêmes, des expositions de photos et de pièces rares, entre autres : Cela pour tâcher d’évaluer une large partie du chemin parcouru par le cinéma tunisien, qui est aujourd’hui encore considéré par la critique internationale, grâce à ses réalisatrices, ses réalisateurs, et ses entrepreneurs de cinéma, comme l’un des plus, novateurs, audacieux et originaux, parmi les cinémas de sa région, jusqu’en cette année 2023, nouvelle année de confirmation et de reconnaissance du cinéma tunisien à l’échelle internationale.
2-Un Retour exigeant aux valeurs “ Essentielles” du Festival : la défense et la promotion des cinémas artistiques d’Afrique et du monde Arabe.
Dirigées par des professionnels tunisiens du cinéma, toujours organisées par le Ministère des Affaires Culturelles et gérées par le Centre National du Cinéma et de l’image CNCI, les JCC maintiennent en priorité, treize ans après la disparition de leur fondateur, Tahar Cheriaa, la présentation au public des meilleurs films africains et arabes récents, à qui sont réservées les compétitions officielles du festival, en privilégiant, non pas les films commerciaux d’évasion et de divertissement, visant avant tout le gain financier, mais en respect de la ligne de toujours du festival, les films d’expression des réalités et des cultures de leur pays, vues du point de vue artistique d’un réalisateur ou d’une réalisatrice, quels que soient les genres auxquels appartiennent ces films de cinéma : Fictions, documentaires, docu- fiction etc.. quelle que soient leur durée, courts, longs ou moyen métrages, cette promotion s’étendant aussi, dans une section spécifique Ciné Promesse, aux films des étudiants en cinéma, qui sont aussi porteurs d’avenir artistique, pour nos cinématographies, à travers les technologies présentes et à venir…
3- Un Renforcement de sa plateforme professionnelle “Carthage Pro”
Qui offre un espace de découverte, de rencontre et d’échange entre professionnel/les interessé/es par les cinématographies africaines et arabes.
Les ateliers Chabaka (soutien aux projets en développement), Takmil (soutien aux projets en phase de postproduction) et Meet the Talents (préparation au pitch et présentation de premiers projets de long métrage) sont l’occasion de découvrir une sélection des projets cinématographiques des plus authentiques et novateurs. A la fin des trois journées de présentations et de discussions, un jury international attribue des bourses d’aide au développement et à la finition accordées par différents organismes donateurs partenaires du festival.
Carthage Talks est un espace de réflexion autour des problématiques spécifiques aux réalités du continent africain et du monde arabe. Les panels de discussion favorisent la rencontre entre les différentes initiatives existantes sur le continent et dans les pays arabes en vue de voir émerger des collaborations futures pour soutenir la production et la circulation des films africains et arabes à travers le continent, dans les pays arabes et à l’international.
Carthage Talks est également l’occasion de rencontres avec des cinéastes confirmé/es (Master-classes) permettant la transmission de parcours inspirants.
4-Le Recentrage sur l’essence du Festival par une dimension moins dispersée : Défense et promotion prioritaire des fondamentaux, sans exclure l’Ouverture de toujours.
Pour cela, tournant le dos à la tendance au “gigantisme” qui a pu marquer quelques éditions précédentes, avec le risque de dispersion vers un nombre parfois démesuré de cinématographies autres qu’africaines et arabes au détriment de la visibilité des compétitions officielles, qui demeurent l’âme et l’identité même du festival, la session 2023 va tâcher de retrouver la taille normale de la majorité de ses éditions : Mais aussi sans perdre son ouverture de toujours par des films présentés hors-compétition, d’abord sur les cinémas du Sud, aux préoccupations qui nous sont souvent très proches, ni son ouverture sur les meilleurs films d’auteur récents du cinéma international : Cela afin de tâcher de répondre aux attentes du public exigeant qui est devenu celui des JCC, un public qui a construit au bout de plus d’un demi-siècle, un phénomène rarement vu ailleurs, celui d’une véritable “Cinéphilie de masse” : Un public très nombreux, à la curiosité toujours en éveil, faisant souvent l’assaut des salles pour découvrir et faire parfois des triomphes à de nouveau films Africains et arabes, aux auteurs encore inconnus d’eux, et ne bénéficiant nullement d’une publicité préalable comme celles des films occidentaux des sections internationales non compétitives d’ouverture sur le monde. Pour répondre aux attente légitimes de ce public averti qui se renouvelle de génération en génération, et jusqu’au plus jeunes, les JCC vont tâcher d’améliorer encore, l’encadrement des films auprès du public, par une présentation professionnelle adéquate des films et de leurs réalisateurs/trices, et de débats à la durée suffisante suivant immédiatement le film avec les spectateurs présents.
Un effort de coordination générale pour une décentralisation relative des JCC en régions, va également être entrepris en demandant la prise en charge concrète par les régions intéressées de ces décentralisations quand elles sont possibles.
5-Les Acquits, et les Espoirs :
Comme dit précédemment l’un des plus grands acquits des JCC, et l’un de leurs motifs de fierté est d’avoir réussi à former sur plus d’un demi-siècle un public averti et exigeant capable de forcer les portes des salles, non pas pour voir un film commercial, mais pour découvrir un nouveau film d’Afrique et du monde arabe, à l’ auteur souvent encore inconnu et ne bénéficiant d’aucune publicité préalable : si bien que Carthage est devenu à la fois l’un des seul lieux, ou un visiteur même ayant déjà vu un film dans d’autres festivals au préalable, pourra découvrir en Première et en direct la ferveur unique de l’accueil d’un film du Sud par un public du Sud, féru de cinéma !
Les JCC étant également, pour ses visiteurs, l’occasion, grâce à “Carthage Pro”, de découvrir à l’avance, les projets des futurs films du Sud, et les nouveaux films en attente de finition, qui révéleront peut-être les grands cinéastes de demain
C’est en cela, que nous souhaitons que la session 2023 soit à la fois celle de la consolidation des acquis, et du soutien permanent au rêves et aux espoirs des cinéastes de demain.
Le Président d’honneur des JCC 2023
Férid Boughedir