Med Hondo
« west Indies », ce sont les Antilles ; l’expression, en anglais, possède une toute connotation coloniale, une saveur amère d’exploitation. Et c’est précisément l’histoire de cette exploitation qu’a voulu illustrer le cinéaste mauritanien Med Hondo en réalisant une superbe « tragédie musicale » entièrement (et magistralement) tournée dans un décor unique : un vaisseau négrier ensablé dans le vent d’une usine (symbolisant ainsi l’archaïque situation politique qui prévaut encore en Guadeloupe et en Martinique a l’heure de la France « puissance industrielle») : les différents niveaux du navire évoquent les strates de la société des planteurs les esclaves, le peuple, dans la cale ; les classes moyennes, les assimilés, sur le pont principal et les maîtres, les colons, sur le pont supérieur.
Cette stratification sociale, selon l’auteur, ne se serait guère modifiée au cours des siècles, dans les territoires administrés par la France mais les luttes dans les îles voisines, et surtout la révolution cubaine (1), rendraient de plus en plus intolérable la politique actuelle («l’esclavage d’aujourd’hui ») de francisation, d’émigration et de prolétarisation conduite en Guadeloupe et en Martinique ; les «collaborateurs» noirs sont particulièrement étrillés, avec beaucoup d’humour.
Med Hondo est de formation brechtienne et son film constitue un exaltant spectacle populaire, avec des chants et des danses, des rires et des larmes, des peines et des passions...« En somme, dit l’auteur, comme dans la vie des colonisés ».
Par Ignacio Ramonet
(Extraits)
Monde-diplomatique.fr