Des étoiles(Sénégal) - JCC : 2013 - 88 min


Dyana Gaye




Premier long métrage de Dyana Gaye, déjà auteur d’une comédie musicale galvanisante (le moyen métrage Un transport en commun) qui a beaucoup circulé dans les festivals et remporté plusieurs prix (notamment à Belfort). Des étoiles est une belle réussite. Sa principale qualité : sa fraîcheur, son talent à décrire le monde tel qu’il est à partir de petits morceaux de vie. Voici un film – et ça fait du bien – qui n’a rien à nous vendre, qui ne cherche pas à démontrer quoi que ce soit, mais qui a tout à nous montrer : le spectacle de personnages sénégalais contemporains qui se déplacent, qui se croisent, qui vivent bien ou tentent de survivre, à la recherche d’un point d’ancrage, d’anciennes ou de futures racines, flottant un peu comme des bouchons sur l’eau – pour reprendre l’image renoirienne.

Sans aucun apitoiement, Gaye décrit certes les galères, les déceptions, les atermoiements de ses personnages. Mais aussi leurs moments de joie, de bonheur, de solidarité, leurs rivalités aussi ; leur humour, leur intelligence, leur façon de vivre et de s’adapter à chaque pays et situation, de passer ni vu ni connu d’une langue à l’autre, de se trahir et de s’engueuler pour laver du vieux linge sale en famille.

Chacun des trois personnages principaux va évoluer au fil du film. Mais la fin les laissera libres d’aller là où ils veulent, ne conclura aucune de leurs trajectoires, comme si le film ne s’en sentait pas le droit, comme s’il était même dans l’obligation de ne rien clore, de ne pas les enfermer. Grâce à la photo colorée, lumineuse, l’espoir pointe toujours à l’horizon, et c’est comme si Dyana Gaye ne voulait pas le faire taire. Point de héros ou de vrais salauds ici, point de tragédie spectaculaire ou de folle comédie, mais un cinéma au présent, ontologique.

Avec délicatesse, amour et également un certain sens de la vacherie, Dyana Gaye a aussi ce talent particulier de savoir donner vie et identité au moindre de ses personnages. A l’aide d’une seule réplique, d’un chapeau en feutre, d’un trait de caméra, d’un regard, une histoire, un passé remontent à la surface de l’image et excitent notre imagination. C’est magnifique et extrêmement émouvant.

Par Jean-Baptiste Morain
(Extraits)

Les inrockuptibles