C’est eux les Chiens (Maroc) - JCC : 2014 - 85 min


Hicham Lasri




En plein « printemps arabe », une équipe de télévision vient rendre compte de la colère de la rue. Dans le champ de la caméra, un homme apparaît en arrière-plan et on ne voit que lui. Vêtu d’un costume démodé, un bouquet de fleurs à la main, une roue de tricycle dans l’autre, il est immobile, hagard. Intrigué, le journaliste tente de lui soutirer un commentaire sur la révolte qui gronde. Non seulement le pauvre hère (Hassan Badida, excellent) a oublié son nom mais il semble ignorer tout des événements.

C’est avec cette séquence que Hicham Lasri ouvre son deuxième long-métrage, qui fait suite au remarqué The End (2012). Tourné à la manière d’un faux reportage télé, avec sa caméra à l’épaule et ses images embarquées, ce film, modeste par ses moyens, se hisse à la hauteur de ses riches ambitions.
Sous son titre provocateur, Hicham Lasri réalise un film de revenants. Ce qui fait retour, c’est à la fois l’Histoire et cet ex-militant qui l’incarne, oublié dans les geôles marocaines depuis son arrestation en 1981 lors des « émeutes du pain », contre l’augmentation du prix des aliments. Ceux qui furent arrêtés ne recouvrèrent la liberté que vingt ans plus tard. A l’exception de ce sexagénaire déboussolé qui eut droit à dix ans de rab. Voilà l’équipe de télévision lancée sur les traces de cet homme sans identité mais qui décline son matricule (404) comme une litanie. Il s’agace qu’on retarde son retour à la maison, auprès de sa femme et de ses enfants. La roue du vélo est destinée à son fils dont on s’imagine qu’en trente ans, il a bien grandi !

Là réside la force du film qui, sans manquer d’empathie, ni de gravité, s’autorise des incursions dans la comédie. On s’amuse beaucoup des décalages entre passé et présent. L’humour dont déborde ce témoignage bouillonnant sur le « printemps arabe » n’en édulcore pas sa portée politique et sociale. Au contraire. Le réalisateur stigmatise la télévision et son impact sur ses concitoyens. Objet de fascination, car synonyme d’élévation sociale, le médium est aussi celui par lequel « 404 » rattrape le temps.

Par Sandrine Marques
(Extraits)

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