Ayoub Layoussifi
Cette coproduction franco-marocaine s’ouvre avec une citation fameuse d’Antoine de Saint-Exupéry sur rêve et réalité, exergue quelque peu solennelle pour une comédie assez bien menée, mais parfois volontairement angélique, chantant surtout l’amour du cinéma sur une tonalité qui n’est pas sans rappeler en pointillés le Cinema Paradiso de Giuseppe Tornatore (1989).
La parenté méditerranéenne est posée et s’approfondit même en direction d’une riche tradition remontant jusqu’au Voleur de bicyclette (de Vittorio De Sica, 1948) dans sa confiance à filmer le monde des enfants, leurs jeux et leurs envies, leurs conversations et leurs petits mensonges pour parvenir à leurs fins. Le jeune Hassan veut absolument aller voir un blockbuster américain, à savoir Spider-Man 3, au cinéma de sa petite ville – Azemmour, au sud-ouest de Casablanca –, pour la toute dernière séance de cet établissement s’apprêtant à fermer ses portes. Les vingt dirhams nécessaires à l’entrée constituent le ressort de toute la narration ; il lui faut trouver la somme, ce qui passera par un combat de boxe de rue truqué contre une terreur locale pour faire fructifier la monnaie confiée pour les courses par sa sévère maman. Le gamin se fera rouler et l’on partage évidemment sa colère et sa peine, tandis que les aventures de l’homme-araignée s’éloignent pour lui sacrément...
La truculence de la peinture du petit peuple de cette province nord-africaine est l’atout principal d’une écriture qui ne recule pas, au besoin, devant la caricature, comme pour croquer une mère irascible et débordant de reproches. Heureusement, le registre assumé de feel good movie laissera la magie du cinéma s’épanouir et ramener à la raison l’austère grincheuse.
Baigné d’une lumière mettant en valeur les oranges et les ocres des paysages et des costumes, Tikitat-A-Soulima offre quelques jolis moments de drôlerie et de tendresse, comme ce ticket maladroitement contrefait par le cinéphile en herbe à partir d’un récépissé de parking... Sur un mode souriant, c’est aussi un regard sur la société marocaine contemporaine qui est proposé, à rebours de préjugés liés surtout à une large et coupable méconnaissance de notre part.
Par Christophe Chauville
(Extraits)
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