Taieb Louhichi
Dans « Mon village, un village parmi tant d’autres », Taieb Louhichi filme Mareth, son bourg natal, situé aux alentours de Gabes, la grande ville côtière du sud tunisien. Il évoque la fièvre du départ à l’étranger qui s’est emparée de la population d’une localité qui comptait, alors, 8000 habitants. Ce film se veut une enquête sur le vécu quotidien d’un microcosme social, donnant la parole aux gens et établissant un rapport de proximité avec les personnes interviewées et leur environnement. En parlant des enfants de son village, le réalisateur parle, en réalité, de lui-même, puisque lui aussi, encore jeune étudiant rêvent à une vaste anthropologie visuelle et théorique sur les réalités de son pays, finira, bon gré mal gré, par faire de la France sa terre d’accueil. Ceux qui interviennent prennent manifestement beaucoup de plaisir à être filmés par un des leurs. A la lumière des témoignages recueillis, l’immigration à l’étranger, repoussée et redoutée au début, est en fin de compte assumée et vécue comme une fatalité contre laquelle on ne peut rien.
Cette justesse documentaire est soutenue par une visée didactique qu’assure le texte. Celui-ci expose des statistiques très précises et fait mieux comprendre les conditions de vie de ceux qui ne sont pas partis, multipliant les indications sur le cou des denrées alimentaires, sur les salaires qui sont, dans l’ensemble, modiques. La plupart des habitants pauvres et démunis vivent dans l’attente de ce bienfait salutaire : le mandat postal envoyé de l’étranger.
« Mon village, un village parmi tant d’autres» excelle dans la captation de la trivialité des gestes de tous les jours, dans la description des scènes d’ambiance et dans les nouvelles habitudes commerciales et mentales qu’acquièrent les citoyens d’une petite société campagnarde qui assiste impuissante, à la fuite vers d’autres cieux, de ses enfants.
Par Hédi Khélil
(Extraits)
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