Karim Dridi
Si je n’étais pas métis, je ne ferais pas de cinéma », déclarait Karim Dridi dans un entretien avec Jean-Luc Douin. Rien d’étonnant dès lors à ce qu’il prenne un métis comme personnage principal de son dernier film. Marco, alias Khamsa de par la main de Fatma qu’il porte autour du cou en souvenir de sa mère algérienne, a beau être gitan par son père, il reste un « bicot », et va ainsi d’exclusions en galères. Cette déchirure le force à se chercher une place autonome, dans cet acte de création permanente qu’est sa vie de paria.
Il n’a pas 12 ans mais la dureté du monde le rattrape à tout bout de champ, dans ces bas-fonds de Marseille où se calle un camp de gitans entre ferraille et autoroute. L’édifiante exposition de ces rejets débute le film jusqu’à ce que, les choses étant claires, Marco prenne toute sa dimension de gamin volontaire, avec une saisissante énergie. Rapines et mauvais coups sont filmés comme des envolées lyriques d’un argent facile et sans souci dans une Marseille fluide et lumineuse. Le drame est qu’on en connaît la limite et que la chute le guette. Si cette tension peut nous habiter, c’est que Dridi nous met entièrement du côté de Khamsa et de ses compères arabes et gitans.
Son approche n’est ni sociologique, ni démonstrative : il les capte avec respect, en scope, ancrés dans leur environnement, brillamment dirigés, étonnamment beaux. Ils sont ce qu’ils sont, à prendre ou à laisser, certainement pas adorables ou charmants, jamais misérables, plutôt durs à cuire et têtes à claque ! Victimes de la violence, ils l’exercent à leur tour, et notamment contre les bêtes qu’ils peuvent dominer, jusqu’à cramer un serpent qui refuse de manger les souris qu’on lui donne, comme sont rejetés ceux qui ne remplissent plus leur rôle. Mais ils ont leurs rêves de sortie de la misère, prêts à tout pour y arriver.
C’est cette vitalité tout autant que ce respect que transmet ce beau film : un Marco dont la rage de vivre s’inscrit si forte qu’il nous change le regard.
Par OLIVIER BARLET
(Extraits)
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